On ne badine pas

Une histoire écrite par Minefuji

L’heure du déjeuner approchant, les locaux se vidaient peu à peu. Jake ne fut cependant pas étonné de trouver son meilleur ami encore installé à son bureau. 
- Hey Beckett! Lança-t-il si fort que les quelques personnes présentes aux alentours se tournèrent vers lui en lui jetant un regard réprobateur. Encore en train de rêvasser? Hey Beckett! 
Ce dernier sursauta finalement et redescendit sur Terre. 
- Hmm? Tu disais? 
- Je venais te proposer qu’on aille déjeuner ensemble, te connaissant, je me disais que tu serais tellement accaparé par la préparation de ton premier procès, que tu en oublierais de manger, mais en fait je me trompais légèrement. 
- Hein? Ah! Le procès? Euh... Oui... Bien sûr! Il faut que je sois parfaitement au point sur ce dossier, si je veux défendre au mieux les intérêts de mon client. 
- Tu parles! Tu étais complètement absorbé, oui, mais pas par ton dossier! 
- Quel autre dossier? 
- Celui au regard de biche et aux jolies courbes… 
- Celui… ? 
- Tu étais complètement hypnotisé par le charme naturel de miss Houghton! 
- ... Qu… Mais non ! 
- A d’autres ! Tu crois que je n’ai pas remarqué ton regard rempli de désir braqué sur elle ? 
- Nous sommes collègues, c’est tout… 
- Ça va faire trois ans! Tu ne crois pas qu’il serait grand temps que tu te décides ? Tu devrais l'inviter! 
- Elle ne voudra jamais de quelqu'un comme moi… 
- Et pourquoi pas? 
- Tu m'as regardé? Je suis chétif, de taille très moyenne et loin de ressembler à un de ces acteurs qui crèvent le box-office! 
- Peut-être, mais Houghton n’est pas superficielle, je te le dis, tu devrais tenter ta chance, où elle va te passer sous le nez! 
- Son dernier petit ami en date avait le physique d’un quater back et le minois de Robert Redford ! 
- Et elle n’est pas restée avec ! Ce qui me conforte dans l’idée que le physique n’est pas un critère primordial pour elle ! 
- De toute façon, c'est tout juste si j'arrive à aligner trois mots correctement quand je suis en face d'elle, comment veux-tu que je réussisse l'exploit de l'inviter à dîner avec moi? 
- Demande lui en lui tournant le dos... 
- Ah ah ah! Tu sais que tu m'aides beaucoup là! 
- Allez viens, on va élaborer un plan en déjeunant. 
- Mhm… C’est ton tour de payer ! 
- Pffff, ton admiration pour elle ne t’a pas fait perdre ton sens des affaires, malheureusement pour moi ! 

Un peu plus loin, Johanna Houghton était loin de se douter qu’elle faisait l’objet de la conversation de ses collègues. Elle venait de terminer sa paperasse et s’étirait en s’appuyant contre le dossier de son fauteuil. 
- Quand j’aurais pris du galon dans ce cabinet, ma première décision sera de changer ce fichu fauteuil ! Marmonna-t-elle en grimaçant. 
- Ah ? Je pensais que ce serait de prendre Beckett dans ton équipe pour t’assurer d’avoir le plus souvent possible son joli postérieur à mater, ricana Rosie son assistante. 
- … Mhmm… Je pensais ne pas avoir à en arriver à une telle extrémité, mais je dois reconnaitre que je vais finir par tomber à court d’idées pour attirer son attention… soupira Johanna. 
- Et si tu lui disais franchement qu’il te plait ? 
- ça ne va pas la tête ? 
- Je trouverais ça plus sain que de sortir pendant trois mois avec Musclor en espérant que ça lui ouvrirait les yeux et qu’il te proposerait un rendez-vous ! 
- Argh ! Ne m’en parle pas ! En dehors des appareils de musculation dernier cri dont la salle de sport du coin avait fait l’acquisition et les mensurations de ses biceps et de ses pectoraux, il n’avait rien à dire ! J’ai cru devenir chèvre à chacun de nos rendez-vous ! 
- Au moins, il prenait soin de son corps, pouffa Rosie. 
- Et passait plus de temps que moi dans la salle de bain ! Tu te rends compte que qu’il est arrivé à notre dernier rendez-vous avec une heure de retard, parce qu’il avait dû faire les magasins pour se réapprovisionner en crème hydratante ! 
- Qu’est-ce que tu comptes faire, alors ? demanda finalement Rosie une fois sa crise de rire calmée. 
- … J’ai bien réfléchi… Si ça se trouve, Musclor l’a impressionné… 
- Tu crois que tu lui as filé des complexes ? 
- Jim n’est pas taillé comme un athlète des Jeux Olympiques… Il pense peut-être que je ne pourrais jamais m’intéresser à cause de ça… 
- Et qu’est-ce que tu as prévu de faire alors ? 
- Jason. 
- Quoi Jason ? 
- Il n’est ni trop grand, ni trop musclé ! 
- Le coursier ? 
- Oui ! Je vais lui donner envie de m’inviter ! 
- Tu vas inciter un gars à te proposer un rendez-vous pour faire comprendre à Beckett qu’il peut tenter sa chance avec toi ? 
- Brillant, n’est-ce pas ? 
- Tordu, oui ! A ce rythme-là, vous vous ferez votre premier dîner romantique à cinquante-quatre ans ! 
- Facile de critiquer ! Qu’est-ce que tu ferais à ma place ? 
- J’irais lui proposer un rendez-vous ! 
- A Jason ? 
- T’es cruche ! Bien sûr que non ! J’irais voir Beckett et je lui proposerais d’aller prendre un café ! 
- Et s’il refusait ? 
- Au moins tu serais fixée et tu pourrais te rabattre sur Jason ! 
- Bah ! Non merci ! Grimaça Johanna. 
- Tu sais que tu es vraiment un cas toi ! 
Le lendemain, Johanna avait mis en place son plan machiavélique, Jason devait passer la prendre à la fin de la journée pour l’emmener dîner. 
Après sa pause déjeuner, Jim Beckett revenait au cabinet, s’arrêta devant le bureau de Johanna et y déposa un gobelet de café. Surprise, cette dernière leva vers lui un regard étonné. 
- Je me suis dit qu’un café vous ferait plaisir, expliqua-t-il. On est passé devant une boutique en revenant… 
- C’est très gentil, sourit Johanna. 
- Un capuccino pour vous et un Macchiatto pour Rosie ! 
- Wah ! s’écria celle-ci. C’est adorable ! N’est-ce pas Jo, que c’est adorable ? 
- Euh… Oui, bien sûr, bafouilla Johanna perplexe. 
Jim adressa un sourire à Rosie, ce qui acheva d’agacer Johanna. 
- Salut ! Lança Jason en arrivant à cet instant. Italien ou chinois ce soir ? Je réserve le restaurant ! 
Johanna blêmit et Rosie s’écroula de rire sous son bureau. Jim décocha un regard noir en direction de Jason. 
- Euh… Je ne … Bafouilla Johanna. 
- Je connais une super pizzeria, je nous aurais une table sans problème, continua Jason qui semblait être le seul à ne pas s’être aperçu du malaise qui régnait dans la pièce. 
- J’ai deux places pour le match de baseball ce soir, coupa Jim en s’adressant à Rosie. Je crois savoir que vous êtes fan, ça vous dit de m’accompagner ? 
- Euh… Oui… répondit celle-ci prise au dépourvu. 
- Parfait, je passe vous prendre à cinq heures, termina Jim avant de sortir. 
- Ça alors ! Chaude soirée en perspective, sourit Jason. A tout à l’heure Jo ! 
- … 
La porte se referma derrière Jason et Johanna choisit ce moment pour exploser : 
- On peut savoir ce qu’il te prend ? 
- De quoi tu parles ? 
- Tu en pinces pour Jim ? Ça fait combien de temps que tu le dragues ? 
- Je ne le drague pas du tout ! 
- Comment tu expliques le café ? 
- Il t’en a apporté un aussi, je te signale ! 
- « Oh ! C’est adorable !» Minauda Johanna en imitant son amie. 
- Bah oui, c’était adorable ! Qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? Que je lui renvoie son café à la figure ? 
- Tu n’étais pas obligée de lui faire les yeux doux ! Et les places pour le baseball ? 
- Tout le monde sait que je suis fan ! 
- N’empêche qu’il t’a invitée à sortir ! 
- Dit celle qui va manger des pizza avec Jason. 
- C’était pour le rendre jaloux ! 
- Ton plan est nul ! Je n’arrête pas de te le dire. 
- Tu aurais dû refuser ! 
- Pour qu’il en invite une autre ? 
- Oui ! Moi par exemple ! 
- Il sait que tu vas au restau avec Jason ! 
- … 
- Eh oui, tu t’es fichue dans un beau pétrin ma grande ! 
******** 
- Alors, tu vas voir le match avec elle? Demanda Jake en voyant revenir son ami. 
- Ouep… 
- Et pourquoi cette tête de six pieds de long ? 
- Parce que… J’y vais avec Rosie… 
- … Il va falloir que tu m’expliques là… 
- Johanna sort avec Jason ce soir… Soupira Jim. Ils vont au restaurant. 
- Et donc tu as invité sa meilleure amie… ? 
- Je sais… C’est stupide… J’ai vu rouge… 
- Et le café ? 
- Je leur ai offert… Rosie a trouvé ça adorable… 
- Et Johanna ? 
- Elle m’a regardé comme s’il m’était poussé un troisième bras au milieu du front… 
- Je t’avais dit de n’en prendre que pour Johanna ! 
- Oui, mais elles sont toujours à deux ! Ça n’aurait pas été sympa pour Rosie… 
- Ça aurait été plus clair ! C’est Johanna que tu veux, pas Rosie ! 
- De toute façon, elle sort avec Jason… 
- Parce que tu es le roi des idiots ! On ne drague pas une fille en étant attentionné envers sa meilleure amie ! 
- … 
************* 
- Je croyais qu’on devait aller au restaurant ! Demanda Jason plus que surpris par la tournure que prenait son rendez-vous galant. 
- Vas-y si tu veux ! rétorqua Johanna en se hissant sur la pointe des pieds pour pointer ses jumelles en direction de la tribune située à l’opposé de celle où elle se trouvait. 
- Ah ben non… C’est pas grave… Tu veux un hotdog ? 
- Pas faim… Oh ! Non mais regardez-la ! Tu veux bien ôter la main du bras de mon Jim ! 
- Ton Jim ? Tu espionnes Beckett et Rosie ? Tu es sûre que ça va bien ? 
- Ecoute, sois gentil, va te chercher ton hot dog et laisse-moi faire. 
- Pas tant que tu seras perchée sur cette barrière ! Tu vas te rompre le cou ! 
N’écoutant pas les avertissements de Jason, Johanna se pencha un peu plus en avant et bascula… Tandis que le sol s’approchait dangereusement, ou plutôt l’inverse, elle pensa qu’elle aurait sans doute mieux fait de proposer à Jim d’aller au restaurant avec elle au lieu de mettre en place ce stratagème idiot en utilisant Jason… Et ce fut le noir complet. 
********** 
De l’autre côté des tribunes, Jim se demandait ce qu’il faisait là avec Rosie, qui n’arrêtait pas de lui broyer le bras à chaque fois qu’elle apercevait un joueur. Cette soirée s’annonçait horriblement longue… D’autant que son esprit était accaparé par ce qu’il imaginait qu’il se passait dans une certaine pizzéria… Qu’est-ce que ce Jason avait de plus que lui ? Il n’était ni plus grand ni plus musclé que lui… Peut-être qu’il était simplement plus hardi que lui et qu’il aurait dû oser l’inviter… Pourquoi cela avait été si facile avec Rosie ? 
- Qu’est-ce que tu penses de Jason ? Demanda-t-il soudain à Rosie. 
- Il est gentil et marrant, l’autre jour il nous a raconté une de ces histoires ! J’en ai eu un de ces fou-rire ! 
- Mhm… Mais ils ne vont pas bien ensemble… 
- Qui ça ? 
- Jason et Johanna ! 
Rosie explosa de rire. 
- J’ai dit quelque chose de drôle ? Grogna Jim vexé. 
- Tu as le béguin pour Jo ! Rit Rosie de plus belle. 
- ça n’a rien de drôle ! S’agaça Jim. 
- Si c’est drôle, répondit Rosie en essuyant les larmes de rire qu’elle ne parvenait pas à retenir. 
- Pourquoi ? 
- Parce que vous êtes pathétiques tous les deux ! 
- Qui ça tous les deux ? Marmonna Jim perplexe. 
- Jo et toi ! Elle n’arrête pas de me parler de toi ! Elle est dingue de toi ! 
- Non ! Si c’était le cas, pourquoi sortirait-elle avec ces autres types ? 
- Pourquoi es-tu là avec moi au lieu de passer la soirée avec elle ? 
La bouche de Jim forma un O parfait. 
- Et la lumière fut ! Rigola Rosie. 
Soudain une rumeur monta dans le stade, ils regardèrent dans la même direction que les autres spectateurs et virent une spectatrice imprudente basculer par-dessus la barrière. 
************* 
Lorsqu’elle émergea, Johanna se sentait vaseuse et désorientée. Au bout de quelques minutes, elle réalisa qu’elle était étendue sur un lit dans une chambre d’hôpital. 
- Sacrée chute, on peut dire que tu nous as fait une belle frayeur ! Mais tu t’en sors plutôt bien : un poignet cassé et une belle bosse. 
- Jim ? 
- Jason est dans la salle d’attente, mais d’après Rosie, je suis celui que tu aurais préféré voir en te réveillant. 
Johanna sourit. 
- Rosie… 
- Elle m’a tout raconté, sourit Jim. Si j’avais su, je t’aurais invitée à dîner plus tôt. 
- Plus tôt ? 
- J’ai bien l’intention de t’emmener dîner à ta sortie d’hôpital et de nombreuses fois après ! Si tu es d’accord, bien sûr ! 
- J’ai cru que tu n’allais jamais me le proposer, sourit Johanna tandis que Jim se penchait vers elle pour l’embrasser tendrement. 
*************** 
- Trois ans ? S’écria Kate. 
- Eh oui ma chérie, sourit Johanna. On a passé trois ans en tant que collègue sans oser s’avouer notre attirance mutuelle. 
- On peut dire que vous êtes un beau duo de bras cassés ! Quand je rencontrerai l’homme de ma vie, moi, je peux t’assurer qu’il ne me faudra pas trois années pour lui avouer mes sentiments ! 
- L’amour rend un peu nigaud ma chérie, tu verras, toi aussi tu seras mal dégourdie quand tu seras sincèrement amoureuse, dit Johanna en embrassant sa fille sur le front. 
- Mal dégourdie et hésitante, je veux bien… Mais trois ans ! 
- Tu verras ! Et quand ça t’arrivera, tu ne pourras pas me faire de reproche quand je te dirai que je te l’avais bien dit… 

Fin